En mai 2024, Inoxtag, youtubeur célèbre, a réalisé l’ascension de l’Everest, un projet qu’il a partagé dans son documentaire Kaizen : 1 an pour gravir l’Everest. Alors que ses fans ont applaudi son exploit, cette aventure a déclenché une vague de critiques dans le monde de l’alpinisme. Les raisons de cette controverse sont multiples et révèlent un clivage entre l’alpinisme traditionnel et les défis plus médiatisés.
Une marchandisation de l’Everest
L’une des critiques principales dirigées contre Inoxtag concerne la marchandisation de l’Everest. Autrefois, le toit du monde était réservé aux alpinistes expérimentés, prêts à affronter des conditions extrêmes avec un minimum de moyens et un maximum de préparation. Aujourd’hui, la montagne est devenue un business pour les plus fortunés. Inoxtag, avec son budget estimé à 50 000 euros par personne, symbolise cette industrialisation. Cela a indigné de nombreux alpinistes qui voient en cette pratique une dénaturation de l’expérience authentique de l’alpinisme.
Le coût élevé de ces expéditions commerciales, rendues possibles grâce à l’aide d’équipes de guides expérimentés et de sherpas, est souvent perçu comme une « triche » par certains puristes. Ces derniers estiment que gravir l’Everest devrait rester un exploit réservé à ceux qui ont les compétences nécessaires pour le faire sans assistance majeure.
L’utilisation de l’oxygène critiquée
Une autre source de controverse repose sur l’utilisation d’oxygène supplémentaire lors de l’ascension. Si l’usage de l’oxygène est courant et même recommandé pour éviter les risques liés à l’altitude, certains alpinistes estiment que cela atténue la valeur de l’exploit. Inoxtag a ainsi été comparé à ceux qui « trichent » en prenant des raccourcis dans leurs exploits sportifs. Pascal Tournaire, un alpiniste respecté, a déclaré que gravir l’Everest avec de l’oxygène revenait à « faire le Tour de France avec un vélo électrique ».
Toutefois, il est important de rappeler que l’oxygène est utilisé par la grande majorité des alpinistes pour cette ascension, étant donné les conditions extrêmes à plus de 8 000 mètres d’altitude. Cela ne retire pas la difficulté de l’ascension, mais certains estiment que cela devrait être mentionné avec plus de transparence dans la communication autour de l’exploit.
Un documentaire jugé égocentrique
Le documentaire Kaizen, qui retrace l’année de préparation d’Inoxtag et son ascension, a été critiqué pour son caractère très centré sur lui-même. Certains critiques reprochent au youtubeur de se concentrer davantage sur sa propre expérience personnelle, au détriment de l’histoire de l’alpinisme ou des aspects environnementaux cruciaux.
Des spectateurs et des alpinistes, comme Tournaire, ont estimé que le film manquait de profondeur et était trop « autocentré ». En effet, la majeure partie du documentaire montre Inoxtag dans des moments de doute, de dépassement de soi, mais aborde peu les véritables enjeux écologiques ou culturels liés à l’Everest, tels que la pollution croissante du site.
L’impact environnemental sous-estimé
Le surpeuplement et la pollution de l’Everest sont devenus des sujets de préoccupation majeurs pour les alpinistes et les écologistes. Chaque année, des tonnes de déchets sont abandonnées sur la montagne par des expéditions commerciales, et le nombre croissant de visiteurs a des répercussions négatives sur l’écosystème fragile de cette région.
Dans son documentaire, Inoxtag évoque brièvement ces problèmes, mais sans en faire un axe central. Cela a provoqué des critiques, notamment de la part de ceux qui estiment que les figures publiques comme Inoxtag devraient sensibiliser leur large audience à ces questions urgentes. L’Everest, autrefois sanctuaire isolé, est désormais une destination touristique surfréquentée, avec des files d’attente d’alpinistes amateurs prêts à payer des sommes considérables pour se vanter d’avoir atteint le sommet.
La sous-représentation des sherpas
Enfin, un autre point de friction concerne le rôle des sherpas, souvent invisibilisés dans les récits d’expéditions réussies. Bien qu’Inoxtag ait exprimé sa gratitude envers les sherpas qui l’ont accompagné, certains observateurs regrettent que leur contribution ne soit pas davantage mise en avant dans son film. Les sherpas jouent un rôle essentiel dans la réussite de chaque expédition, supportant une grande partie de la logistique et du danger.
Certains critiques ont estimé que les sherpas méritaient une reconnaissance plus appuyée, non seulement en tant qu’accompagnateurs, mais aussi en tant qu’alpinistes à part entière, ayant eux-mêmes gravi plusieurs fois l’Everest.
Conclusion : une ascension qui divise
L’ascension de l’Everest par Inoxtag est indéniablement un exploit personnel, qui a inspiré de nombreux jeunes à se dépasser. Toutefois, elle met également en lumière les tensions croissantes entre alpinisme traditionnel et alpinisme commercial. Pour les puristes, l’Everest ne devrait pas être une destination touristique à la portée de ceux qui ont les moyens de se payer une expédition, mais un défi réservé aux aventuriers qui s’engagent pleinement, sans assistance artificielle ou commerciale.
Malgré les critiques, le documentaire d’Inoxtag continue de susciter un engouement massif, et il est probable que ce débat autour de la marchandisation de l’Everest ne fait que commencer. Pour l’heure, il reste à voir si cette nouvelle génération d’alpinistes influencera durablement la manière dont nous percevons ces exploits de haute montagne.